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Comme chaque année, le mois de Mars est l’occasion de mettre l’accent sur l’intérêt du dépistage du cancer colorectal. Il appartient à chacun de nous de relayer l’intérêt du dépistage et pour cela d’en connaitre les enjeux et son organisation.

Entretien avec le Dr Ludovic Evesque, Oncologue Médical au Centre Antoine Lacassagne


Pourquoi un dépistage ?

Le cancer colorectal est le 2ème cancer le plus meurtrier, après le cancer du poumon. Chaque année il touche plus de 43 000 personnes en France, le plus souvent après 50 ans, et est responsable de plus de 17 000 décès. Il touche 4 hommes sur 100 et 2 femmes sur 100.

Il s’agit d’un cancer qui reste très longtemps asymptomatique. Attendre l’apparition de signes cliniques traduit souvent malheureusement la présence d’un cancer plus avancé. Son histoire naturelle est bien connue : le stade de cancer fait suite au développement sur une durée d’environ 10 ans d’un polype dit dysplasique.

En cas de prise en charge à un stade précoce, ce cancer se guérit dans 9 cas sur 10. Il faut donc le diagnostiquer le plus tôt possible.

En quoi consiste le test de dépistage ?

En cas de cancer, ou de polype, la paroi du colon est abimée et laisse passer des quantités infimes d’hémoglobine qui peut être identifiée dans les selles. L’objectif du test est donc de rechercher la présence d’une quantité infime de sang dans les selles, invisible à l’œil nu. Il s’agit d’un kit avec un dispositif permettant de recueillir un minuscule échantillon de selles que l’on place dans un flacon et que l’on envoie à l’aide d’une enveloppe prétimbrée à un laboratoire d’analyses centralisé. Les résultats sont disponibles en ligne 3 jours après l’envoi du test.

En pratique comment est organisé le dépistage ?

Il s’adresse à tous les citoyens âgés de 50 à 74 ans, qui n’ont ni symptôme et ni facteur de risque particulier. Un courrier est adressé tous les 2 ans à partir de 50 ans et invite à consulter son médecin traitant. Ce dernier évalue le niveau de risque et oriente, soit vers un test de dépistage qu’il remet au patient, soit vers une consultation de gastroentérologie si le risque est jugé élevé ou s’il existe des symptômes évocateurs. Depuis peu, pour les personnes pressées ne souhaitant pas prendre rendez-vous chez le médecin traitant, il est possible de commander directement son kit de dépistage en ligne (https://monkit.depistage-colorectal.fr/) ou de le récupérer chez son pharmacien. Le test est pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie.

Si le test est positif que faire ?

Le test est rendu négatif dans 96% des cas. Si tel est le cas on peut être rassuré et il est recommandé de réitérer le test à la prochaine sollicitation de l’Assurance Maladie 2 ans plus tard.

Si le test est positif en revanche il faut consulter son médecin traitant afin d’être orienté vers un gastroentérologue qui pratiquera une coloscopie afin de vérifier l’état de la paroi colique et la présence éventuelle d’un cancer ou d’un polype précancéreux. Attention un test positif ne signifie pas la présence d’un cancer mais justifie la réalisation d’un tel examen pour vérification.

Que dire aux personnes qui s’estiment en bonne santé, sans symptôme particulier et avec un mode de vie sain et qui ne voient pas l’intérêt d’un tel examen ?

Ce test est spécifiquement fait pour eux ! Il ne s’adresse pas à des malades mais à des personnes en bonne santé et sans symptôme. La contrainte du test est minime par rapport à l’intérêt pour leur santé future. Le message est difficile à faire passer, d’où l’intérêt des campagnes de dépistage !

Y a-t-il d’autres alternatives ?

Non il n’y a pas d’autre alternative séduisante à ce jour !

Dans le futur la recherche sur prise de sang d’ADN tumoral circulant devrait se développer et potentiellement supplanter ce test. Mais il faudra encore probablement encore attendre plusieurs années avant que cette pratique ne s’impose. La réalisation d’une coloscopie d’emblée pour toute la population n’a pas été retenue par les autorités françaises en raison de l’acceptabilité délicate de cet examen, de son risque potentiel, et du cout important que cela représenterait pour la société.

Quel est le taux de participation ?

Beaucoup trop bas malheureusement. La participation a ce dépistage reste insuffisante : elle n’est que de 34,6% en France en 2020-2021 permettant le diagnostic de 2 200 nouveaux cancers et 2 600 décès qui sont évités chaque année.

L’augmentation de cette participation permettrait d’éviter chaque année 5 700 cancers colorectaux et 6 600 décès avec un taux de participation à 65% !

En parler autour de vous contribue à démystifier ce test, et au-delà de l’aspect jugé parfois « sale », tabou, et d’un intérêt parfois jugé insuffisant chez les personnes en bonne santé, permettra d’augmenter ce taux de participation et de sauver des vies. Allons-y !