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DOSSIER OCTOBRE ROSE

L’année qui vient de s’écouler s’est avérée extrêmement riche en termes d’innovations thérapeutiques dans le domaine du cancer du sein. Outre le retour des praticiens en présentiel sur les grands congrès internationaux après la période COVID, deux axes majeurs se dégagent parmi les dizaines de communications présentées lors ces réunions scientifiques.

Le premier concerne l’apport des signatures génomiques pour choisir le type de traitement médical à appliquer après la chirurgie.

Les cancérologues en charge de cancer  du  sein  se  heurtent  depuis des années au dilemme du sous-traitement et du sur-traitement concernant la chimiothérapie adjuvante (réalisée après la chirurgie). Le sous-traitement par crainte de la rechute métastatique et le sur-traitement par crainte d’une toxicité morbide. Les analyses moléculaires, autrement appelées « signatures génomiques » sont apparues comme le moyen de combiner plusieurs variables qui permettent de mieux analyser le risque de rechute. Les signatures distinguent les patientes en deux groupes : un groupe dit de bon pronostic qui ne nécessite pas de chimiothérapie adjuvante et auxquelles on propose le plus souvent une hormonothérapie, et un groupe dit « à haut risque de rechute » pour lequel  il est préférable d’envisager une chimiothérapie. Jusqu’à présent les signatures génomiques avaient montré un intérêt dans les tumeurs du sein sans envahissement ganglionnaire. Plus récemment la signature OncotypeDX a montré qu’elle  pouvait isoler un groupe de patientes à bon pronostic parmi celles qui avaient 1 à 3 ganglions envahis et qui étaient ménopausées. Ces patientes qui, jusqu’à présent, recevaient une chimiothérapie adjuvante peuvent maintenant béné-ficier d’une signature génomique et éviter ce traitement lorsque le risqué métastatique est inférieur à 10 % à 10 ans. Ceci constitue une avancée thérapeutique majeure dans la prise en charge de ces patientes afin d’éviter des chimiothérapies inutiles et toxiques.

Le deuxième axe d’innovation thérapeutique repose sur ce qu’on appelle les anticorps conjugués.

Un anticorps conjugué est la combinaison d’un anticorps, dirigé contre une cible thérapeutique présente sur la cellule tumorale, sur lequel on a accroché une molécule de chimiothérapie. L’anticorps va ainsi servir de moyen de transport pour amener cette molécule de chimiothérapie cytotoxique directement au niveau de la cellule tumorale. On évite ainsi beaucoup de désagréments liés à la diffusion de la chimiothérapie au niveau de l’organisme tout entier. L’anticorps conjugué appelé trastuzumab-déruxtécan a montré une efficacité très significative dans le cancer du sein métastatique, non seulement HER2 surexprimé, mais également dans les tumeurs qu’on appelle « HER2 low » c’est-à-dire exprimant peu le récepteur HER2. Cet essai thérapeutique a fait l’objet d’une présentation en plénière au Congrès de l’ASCO (American Society for Clinical Oncology), saluée par une « standing ovation ».

Quand on sait que cette population représente près de 45 % des femmes atteintes de cancer du sein on comprend l’importance de ces résultats.

Les cancérologues et les associations de patientes attendent maintenant avec impatience la mise à disposition de ce médicament dans cette indication.

Un autre anticorps conjugué le sacituzumab-govitécan a montré également son efficacité dans le cancer du sein métastatique dit « triple négatif ». Ce type de tumeur particulièrement agressif ne bénéficiait, jusqu’à maintenant, que de la possibilité d’une approche par chimiothérapie seule. Dans le cancer du sein triple négatif, il faut également saluer l’apport de l’immunothérapie (pembrolizumab) qui, en association avec la chimiothérapie, a permis d’obtenir de bien meilleurs résultats en situation dite néoadjuvante c’est-à-dire avant la prise en charge chirurgicale de la tumeur.

Beaucoup d’autres innovations thérapeutiques pourraient être listées, en particulier dans le domaine de l’hormonothérapie et des thérapies ciblées, mais il est évident que le domaine des anticorps conjugués ouvre des perspectives immenses et des espoirs thérapeutiques majeurs dans la prise en charge du cancer du sein mais également pour l’ensemble des tumeurs cancéreuses.

Pr Jean-Marc FERRERO
Chef du Département d’Oncologie Médicale